Les derniers jours de l’humanité
Encore un crime incompréhensible, une nouvelle variation sur le thème du mal. Décidément, rien ne nous sera épargné. On ne parle plus ces jours-ci que de vandalisme, de blasphème, de sacrilège, de persécutions, de profanations. On n’a jamais vu autant de bougies, de fleurs, d’ex-voto, de reposoirs, et il n’est plus question que de prophètes, de martyrs, de prédicateurs, de catéchisme, de liturgie, de ferveur communautaire. Malraux l’avait prédit : « Le xxie siècle sera religieux ou ne sera pas. »
Donc, on en a remis une couche. On a voulu frapper la civilisation elle-même, à sa source : la Mésopotamie ! Le mot ouvre des espaces à l’imagination. L’agriculture, l’urbanisme, l’histoire sont nés sur cette terre sacrée, et surtout l’écriture la plus ancienne du monde s’est matérialisée là-bas.
Il a suffi d’une vidéo de cinq minutes pour que les Occidentaux et la planète prennent acte de l’abominable saccage. Et entendent résonner dans les salles du musée de Mossoul – un sanctuaire de la culture la plus haute livrée à la rage d’un détachement de casseurs barbus et microcéphales – les coups de marteaux et le vacarme des perceuses, associées rythmiquement dans nos têtes aux sonorités grotesques et écœurantes de l’acronyme arabe de l’État Islamique : le mot Daech.
À travers cette dévastation absurde, c’est la terrible Ninive assyrienne et l’histoire multimillénaire d’un peuple qui remontent soudain vers nous, pour se disloquer et se réduire à rien sous nos yeux. Il y avait là des statues de rois longilignes, avec leurs tiares, leurs barbes cannelées, des nudités lisses et hautaines, des ...